Homélies
Homélie 3e dimanche de l’Avent. Année C Gaudete
Nous sommes aujourd’hui le 3e dimanche de l’Avent, dimanche traditionnellement appelé Gaudete, (ce qui signifie Réjouissez-vous), dimanche de la joie.
Les lectures sont pleines de la joie de la délivrance et du salut offerts gratuitement par Dieu à son peuple.
Il est de coutume ce jour là de prendre du rose comme couleur liturgique !
Et chaque année depuis 8 ans je marque particulièrement la joie de ce dimanche en mettant une chasuble rose quitte à ressembler, comme me le disait un cousin l’année dernière, à un participant de la fashion week !
Je vous avoue que cette année, pour la première fois, je me suis demandé si je n’allais pas rester tout simplement en violet. Je vous rassure, ce n’était pas un questionnement de midinette devant sa garde-robe ! Mais je me suis simplement demandé si le contexte ecclésial actuel pouvait justifier un dimanche de la joie… et si le violet, couleur de la pénitence, n’était pas aujourd’hui de mise…
Et pourtant, vous le constatez, après réflexion et prière, j’ai fait un acte de foi. Bon, déjà c’est un acte de foi chaque année parce que le rose n’est pas particulièrement ma couleur préférée ! Mais c’est aussi un acte de foi bien plus profond, un acte d’espérance en Dieu et en son épouse, l’Eglise.
Vous avez vous-même posé cet acte de foi et d’espérance en venant aujourd’hui à cette eucharistie. Ensemble, vous et moi, marqués par les évènements, nous acceptons d’entendre malgré une ambiance délétère, ce verset de St Paul aux Philippiens : Ne soyez inquiets de rien ! Nous acceptons non seulement de l’entendre, mais aussi de le vivre au-delà de toutes les pauvretés évidentes de notre Eglise et de ce monde, au-delà de toutes les bassesses médiatiques et hélas aussi, des bassesses ecclésiales. Nous acceptons de n’être inquiets de rien car à la fin tout finira bien ! (J de Norwich)
Enfin, si nous acceptons de nous réjouir malgré cette boue qui remonte des profondeurs des enfers, c’est aussi parce que nous sommes conscients que cette boue est aussi la nôtre, et que de cette pauvre boue, le Seigneur peut faire des poteries, des vases contenant le trésor de la foi. St Paul ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme ceci : : « Ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile » (2Co4,7).
Alors pour nous guider dans l’espérance sur le chemin de la renaissance, écoutons un autre prophète de notre temps, le Pape émérite Benoît XVI, qui donna un interview en 1969, dont vous avez peut-être déjà entendu parler.
« De la crise actuelle émergera l’Église de demain – une Église qui aura beaucoup perdu. Elle sera de taille réduite et devra quasiment repartir de zéro. Elle ne sera plus à même de remplir tous les édifices construits pendant sa période prospère. Le nombre de fidèles se réduisant, elle perdra nombre de ses privilèges. Contrairement à une période antérieure, l’Église sera véritablement perçue comme une société de personnes volontaires, que l’on intègre librement et par choix.
L’Église sera une Église plus spirituelle… Cela sera difficile pour elle, car cette période d’ajustements et de clarification va lui coûter beaucoup d’énergie. Cela va la rendre pauvre et fera d’elle l’Église des doux. Le processus sera d’autant plus ardu qu’il faudra se débarrasser d’une étroitesse d’esprit sectaire et d’une affirmation de soi trop pompeuse. On peut raisonnablement penser que tout cela va prendre du temps.
Mais quand les épreuves de cette période d’assainissement auront été surmontées, cette Église simplifiée et plus riche spirituellement en ressortira grandie et affermie. Les hommes évoluant dans un monde complètement planifié vont se retrouver extrêmement seuls. S’ils perdent totalement de vue Dieu, ils vont réellement ressentir l’horreur de leur pauvreté. Alors, ils verront le petit troupeau des croyants avec un regard nouveau. Ils le verront comme un espoir de quelque chose qui leur est aussi destiné, une réponse qu’ils avaient toujours secrètement cherchée. Pour moi, il est certain que l’Église va devoir affronter des périodes très difficiles. La véritable crise vient à peine de commencer. Il faudra s’attendre à de grands bouleversements. Mais je suis tout aussi certain de ce qu’il va rester à la fin : une Église, non du culte politique car celle-ci est déjà morte, mais une Église de la foi. Il est fort possible qu’elle n’ait plus le pouvoir dominant qu’elle avait jusqu’à maintenant, mais elle va vivre un renouveau et redevenir la maison des hommes, où ils trouveront la vie et l’espoir en la vie éternelle[1]. »
Alors Réjouissons-nous, et dans la foi, soyons heureux d’une telle purification car il vient le Seigneur :
« Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » Amen !
[1] Ratzinger, Interview du 25 décembre 1969 sur la radio Hessische Rundfunk